- KHMER (ART)
- KHMER (ART)Par essence, l’art khmer est celui du Cambodge, mais l’expression est plus spécialement utilisée pour l’art d’une période, longue de quelque huit siècles, s’étendant de la fin du VIe siècle ou du début du VIIe (débuts de la royauté khmère et premiers monuments datables) à la fin du XIVe siècle ou aux premières décennies du XVe (moment de l’abandon d’Angkor par les souverains khmers). L’imprécision des limites géographiques de l’ancien Cambodge et la coexistence de principautés khmères ou khmèrisées font que l’art khmer est attesté dans la péninsule indochinoise centrale et sud-orientale bien au-delà des frontières du Cambodge contemporain. Si les vestiges du Laos méridional (région de Champasak) n’ont pas reçu de désignation particulière, ceux de la Thaïlande, où l’art khmer est largement et souvent fort bien représenté (provinces de l’Est et du Nord-Est surtout), sont traditionnellement rassemblés dans l’art de Lopburi. Au Vietnam (région du delta du Mékong: Transbassac et Cisbassac), les chercheurs tendent aujourd’hui à les rattacher à la culture d’Oc-èo.Parmi les divers arts qui se sont développés, avec plus ou moins d’originalité, dans le Sud-Est asiatique indianisé, l’art khmer jouit d’une exceptionnelle notoriété que justifient, à la fois, la beauté de ses grands ensembles architecturaux, d’une conception souvent très «classique», et les réelles qualités de sa sculpture. Tout ce qui évoquait l’importance artistique et historique du site d’Angkor et le prestige incontestable d’Angkor Vat a fortement contribué à asseoir leur réputation et à susciter curiosité et intérêt pour ces réalisations. Mais, alors que les témoignages admiratifs de missionnaires européens des XVIe et XVIIe siècles n’avaient pas éveillé l’attention, ce n’est qu’à la faveur d’un ensemble de conditions nouvelles réunies dans les années 1860 que la beauté des anciens temples du Cambodge, souvent nimbés du mystère de la forêt tropicale, va frapper les imaginations d’un très large public. Dans le même temps débutent les missions scientifiques; poursuivies presque jusqu’à l’aube du XXe siècle, elles ont permis de rassembler l’abondant matériel (inventaires, plans, estampages d’inscriptions, moulages, œuvres) qui va alimenter l’étude de l’histoire et l’art du Cambodge ancien (cf. E. Aymonier, Le Cambodge , 3 vol., 1900-1904), étude à laquelle la création de l’École française d’Extrême-Orient (1898) va fournir son support: publié sous son égide, l’Inventaire descriptif des monuments du Cambodge (3 vol., 1902-1911) recense neuf cent dix monuments ou vestiges. Créée en 1908, la Conservation des monuments d’Angkor facilitera l’accès et la visite du site et, surtout, assurera «la conservation et l’entretien des édifices». Quatre ans plus tard est fondé à Phnom Penh le premier musée khmer. C’est à partir de ces bases qu’ont progressé, tant dans le cadre de l’École française d’Extrême-Orient qu’en Occident, et spécialement à Paris, les études qui devaient permettre de retracer l’histoire et l’évolution de l’art khmer (Ph. Stern, 1927). Finalement établie par des «épigraphistes et historiens de l’art travaillant en harmonie» (G. Coedès, 1938), la chronologie de l’art khmer a conduit à définir des styles généralement successifs ou plus rarement contemporains. Peu à peu précisés, ils permettent, par voie comparative et avec le contrôle de données épigraphiques et iconographiques, de dater les monuments et les sculptures avec une marge d’erreur qui, dans les meilleurs cas, n’excède guère une décennie. Une telle précision n’intéressant que les spécialistes, il n’y sera fait référence, ici, que dans quelques cas particuliers. Après que les caractères généraux et les antécédents de l’art khmer auront été évoqués, son histoire sera retracée dans le cadre chronologique traditionnel: période pré-angkorienne (fin du VIe s.-fin du VIIIe s.), période angkorienne (début du IXe s.-fin du XIVe s. ou début du XVe s.), période post-angkorienne (du XVe s. à la fin du XIXe s.).Caractères généraux de l’art khmerD’inspiration religieuse jusque dans ses réalisations utilitaires, l’art pré-angkorien et angkorien est essentiellement brahmanique (surtout ごhivaïte). Alors peu attesté, le bouddhisme (Mah y na) s’impose momentanément avec le règne de Jayavarman VII (1181-env. 1218). À la fin du XIIIe siècle, l’adoption, définitive, du bouddhisme Therav da amènera un changement radical des traditions architecturales.L’architectureÀ partir de la tour-sanctuaire couverte d’étages plus ou moins nombreux (prasat ), les Khmers ont composé dès les VIIe et VIIIe siècles (Sambor Prei Kuk, groupe sud) des ensembles géométriquement ordonnés complexes, ceints de murs concentriques et de fossés. Vers la fin du VIIIe siècle apparaîtraient les premiers sanctuaires édifiés sur pyramides à gradins (Prasat Ak Yum). Ce type, dit temple-montagne, développé, enrichi de salles annexes puis de galeries caractérisera les fondations les plus importantes de la plupart des souverains angkoriens. Moins fréquents, répondant à d’autres conceptions, mais aussi remarquables, sont les grands temples de plans axés édifiés en plaine (Prasat Thom de Koh Ker) ou à flanc de collines (Prah Vihear). Le Mah y na impose une adaptation de l’architecture traditionnelle, et les grandes fondations de Jayavarman VII se caractériseront surtout par un symbolisme qui, inspiré par la cosmologie, leur confère une originalité unique (Angkor Thom, le Bàyon, Neak Pean, etc.). C’est aussi la fin des grands programmes de construction. Le Therav da, tout en faisant d’Angkor Vat le centre bouddhique du royaume, délaisse la construction «classique» et n’édifie plus que des monastères (dits pagodes) apparentés à ceux de la Thaïlande et du Laos.Les sanctuaires, d’abord édifiés en brique (liaisonnées avec un liant végétal leur assurant une exceptionnelle cohésion), n’utilisent le grès que pour les cadres de baies et les linteaux décoratifs. À partir de la fin du IXe siècle, la construction en grès (blocs rodés assemblés à joints vifs, chaînés par ancrages ou, au XIe s., par des poutres en doublure) s’impose progressivement. Seules des conditions locales particulières ont conduit à utiliser la latérite ou à maintenir l’usage de la brique aux XIe et XIIe siècles. Tombant en désuétude vers le XIVe siècle, la construction «classique» ne sera définitivement abandonnée qu’à la fin du XVIe siècle.Le décor architecturalRelativement sobre, sa qualité et l’évolution sensible de ses principaux éléments (composition des linteaux décoratifs et des colonnettes des portes) ont permis d’établir la chronologie, relative, de l’art khmer à partir de la définition de styles (Ph. Stern et disciples). Si les linteaux décoratifs et les frontons caractérisent le décor khmer, l’importance accordée à la composition et à l’ornementation des accès des grands temples doit être aussi soulignée. Elle a conduit à la réalisation de sculptures qui peuvent être regardées comme les créations khmères les plus décoratives: lions (et quelquefois Ga ユa, déité de rang inférieur appartenant à la suite de えiva) gardiens d’échiffres et, surtout, balustrades terminées par des N ga polycéphales, être mythique mi-homme mi-serpent (ou des Garu ボa, oiseau mythique ennemi des serpents, fin du XIIe s.) d’une superbe stylisation.La statuaireLa plupart des idoles ont été exécutées en pierre (grès surtout), mais le bronze (parfois à forte teneur d’argent) a été aussi largement utilisé dès le VIIe siècle. Le bois semble avoir été réservé à certaines images du Bouddha (VIIIe s. et à partir du XIIIe s. env.). Les statues des VIIe et VIIIe siècles, souvent dotées pour les consolider d’étais et d’arcs de soutien, fort variées dans leur iconographie, comptent souvent parmi les plus belles de tout l’art khmer. Vers les débuts du IXe siècle apparaissent les premières rondes-bosses intégrales. Favorisant, par souci de solidité, une recherche de frontalité et d’hiératisme, elles imposeront souvent à l’art angkorien une froideur à laquelle sauront échapper certaines écoles (ainsi, dynamisme de Koh Ker, douceur sensuelle de Banteay Srei, souriante bienveillance des figures de l’époque du Bàyon).Bronzes cultuels et orfèvrerie révèlent une très grande maîtrise technique et portent les qualités manifestées par le décor architectural à sa perfection (abouts de timons, crochets de litières, conques pour eau lustrale, parures d’idoles, etc.).Céramique et peintureLa céramique (angkorienne) comporte des vases (terre souvent grésée) de formes très classiques (types «balustres») et, d’autres, d’un zoomorphisme d’une stylisation surprenante. Les principaux fours connus ont été découverts vers les années 1980, au nord des Dang Rêk.La peinture murale n’est représentée, pour la période angkorienne, que par l’ensemble de Prasat Neang Khmau (Xe s.). Aucune autre œuvre conservée ne semble antérieure à la fin du XIXe siècle.Histoire de l’art khmerLa préhistoire, encore peu étudiée dans son ensemble, ne paraît pas fondamentalement différente de celle des contrées voisines. Il en va de même pour les sites relevant du «Néolithique attardé», contemporain de l’Âge du bronze tardif (par exemple Samrong Sen) et des nécropoles (jarres de céramique et matériel apparentés à la culture de Sà Huynh) de la région de Long Khan (Vietnam). Ces dernières et l’importante construction mégalithique de Xuân Loc seraient de peu antérieures à la fondation du Fou Nan, royaume sud-oriental de la péninsule, indianisé vers les IIe et IIIe siècles, et dont les ambassades en Chine sont attestées dès 243. Les fouilles (Oc-èo surtout) révèlent l’importance, dès ce moment, des relations avec le monde indien et les régions limitrophes de la mer de Chine méridionale. La diversité des influences reçues et une longue occupation des sites expliquent que l’architecture et la sculpture du Fou Nan demeurent fort mal connues, et qu’il est encore impossible de déterminer la nature et l’importance du rôle qu’elles auraient pu jouer dans l’évolution de l’art de l’ethnie khmère, originaire de contrées plus septentrionales.La période pré-angkorienne (fin du VIe s.-fin du VIIIe s.)Encore que l’existence de sanctuaires en matériaux durables et d’idoles soit attestée au VIe siècle par l’épigraphie locale et les textes chinois, on ne connaît aucun édifice ou sculpture antérieurs aux débuts du VIIe siècle. La qualité des œuvres attribuables aux années 620-650 révèle par contre une indéniable maturité dans l’interprétation originale des modèles indiens. C’est à cette période qu’il convient d’attribuer la fondation d’ 壟 ご napura (moderne Sambor Prei Kuk), capitale d’ 壟 ご navarman Ier (env. 616-639) et de ses successeurs immédiats jusque vers 680 environ. Vaste ensemble constitué essentiellement de trois groupes de temples, Sambor Prei Kuk annonce déjà, par l’ordonnance des groupes sud et nord surtout, les plans rigoureux qui caractériseront tous les grands temples khmers. Parfois de dimensions considérables, les sanctuaires sont édifiés en brique et couverts, comme dans les arts indianisés, par encorbellement. Comportant ou non une salle antérieure modeste, ménagée dans l’épaisseur de la maçonnerie, ils révèlent une certaine variété de plans: barlongs, carrés, voire octogonaux (propres au site de Sambor Prei Kuk). Ils présentent deux types de toitures: une succession de faux étages peu nombreux rappelant sensiblement les dispositions du corps de l’édifice ou un étagement pyramidal de terrassons peu élevés. Réservé aux sanctuaires les plus importants, seul le premier type inspirera les compositions ultérieures. Scandés de pilastres, les murs s’ornent souvent de palais «célestes», sculptés en bas relief dans la brique, qui affirment l’identité, traditionnelle, du sanctuaire de la divinité avec sa demeure cosmique. Quelques rares sanctuaires (Prasat Phnom Bayang), parfois édifiés peut-être en matériaux légers (Sambor Prei Kuk, monument 17 du groupe nord, Han Chei), et certains ma ユボapa , salle ouverte ou pavillon (Sambor Prei Kuk, monument 2 du groupe sud), enfermaient des cellules ou des sortes de dais en pierre, très richement sculptés, construits par assemblages à tenons et mortaises (emprunts directs à la charpenterie). Seuls deux sanctuaires en pierre appareillée sont connus pour toute la période pré-angkorienne. Unique dans l’art khmer, Asram Maha Rosei (voisin du Phnom Da) évoque l’art des Pallava et des Ch lukya par ses dispositions et l’Indonésie par son mode de construction. Ce sanctuaire ne semblant pas antérieur à la fin du VIIe siècle ou au début du VIIIe, les remarques auxquelles conduit son étude sont d’une particulière importance pour la datation de la statuaire du style du Phnom Da, elle aussi exceptionnelle à bien des égards.C’est le décor architectural (notamment les linteaux décoratifs et les colonnettes des portes) qui avait permis de proposer, à partir de données évolutives et de comparaisons avec des édifices datés par l’épigraphie, une chronologie relative de l’art pré-angkorien, avec définition de trois styles successifs dits de Sambor (Prei Kuk), de Prei Kmeng et de Kompong Prah (Ph. Stern, G. de Coral-Rémusat). Ces cadres se révèlent aujourd’hui trop rigides, les trois styles étant souvent davantage typologiques que chronologiques: les linteaux avec makara (monstres marins composites empruntés à l’Inde) à leurs extrémités, caractéristiques de Sambor Prei Kuk, sont attestés presque jusqu’à la fin du VIIIe siècle; ceux du style de Prei Kmeng, avec arc rectiligne recourbé aux extrémités vers l’intérieur, apparus dès 640 à Prasat Phnom Bayang (P. Dupont), restent utilisés durant une partie du VIIIe siècle concurremment avec les linteaux Kompong Prah qui, illustrant une symbolique nouvelle – celle du lotus et de sa croissance (J. Boisselier) –, sont connus dès 706 (Prasat Phum Prasat). Les mêmes problèmes se posent pour la statuaire. Alors qu’on avait cru pouvoir préciser sa chronologie en fonction des techniques d’exécution, des transformations des vêtements et des coiffures et de l’esthétique des images (P. Dupont, J. Boisselier), il apparaît qu’en tous ces domaines les données iconographiques (inspirées par les textes indiens) jouaient un rôle déterminant (J. Boisselier). Pour une statuaire essentiellement brahmanique, l’arc ou la traverse de soutien, qui ne disparaîtront qu’à la fin du VIIIe siècle, ne s’imposaient que lorsque la fragilité des membres ou des attributs des idoles semblaient les rendre indispensables (par exemple pour Harihara, image mixte de えiva et de Vi ルユu). Jointes aux remarques concernant Asram Maha Rosei, ces observations invitent à rajeunir de plus d’un siècle les images, essentiellement vishnouites, du Phnom Da (musée de Phnom Penh), d’abord attribuées à la fin du Fou Nan (P. Dupont); leur parenté stylistique avec l’Avalokite ごvara de R ペch Giá (Musée national des arts asiatiques-Guimet), datable du VIIIe siècle, doit être aussi soulignée. La statuaire du VIIe siècle est d’une qualité parfois exceptionnelle (Dev 稜 victorieuse du Démon-buffle de Sambor Prei Kuk, Dev 稜 de Koh Krieng, Harihara de Prasat Andet, au musée de Phnom Penh, sont d’indéniables chefs-d’œuvre). Au VIIIe siècle, l’émiettement du pouvoir qui semble résulter de la partition du Tchen La paraît multiplier les activités religieuses et artistiques. Abondante, très inégale, la sculpture est souvent d’une médiocrité que compense à peine son intérêt iconographique; mais elle peut aussi révéler des influences extérieures (de えr 稜vijaya surtout: particulièrement images bouddhiques) ou préserver la grande tradition du VIIe siècle. Associant plus ou moins ces deux dernières tendances, l’art des métaux (bronze, argent) a produit des œuvres d’une qualité exceptionnelle: grandes images mahayaniques du nord des Dang Rêk, taureau Nandin (longueur, 130 cm) de Tûol Kuhea (Palais royal, Phnom Penh).La période angkorienne (début du IXe s.-fin du XIVe s. ou début du XVe s.)En relation avec l’instauration du rituel du Devar ja, futur garant du pouvoir angkorien, sur le Mahendraparvata, nom de la chaîne de montagnes appelée aujourd’hui Phnom Kulên, par Jayavarman II, l’art de la première moitié du XIe siècle marque la transition de l’art pré-angkorien à l’art angkorien (style de Kulên, P. Stern). Élaborée progressivement, marquée d’hésitations dans ses choix architecturaux (influences chames, surtout évidentes à Prasat Damrei Krap, sanctuaire central), la formule que retiendra l’art angkorien s’impose à Prasat Thma Dap, le plus tardif du groupe. La statuaire (idoles de Vi ルユu), peu à peu libérée des traditions antérieures, annonce (Vi ルユu de Thma Dap, Musée national des Arts asiatiques-Guimet) la ronde-bosse intégrale, l’esthétique et les ajustements du règne d’Indravarman (877-889). Les fondations de ce dernier, dans Harihar laya (moderne Roluoh), ne seront, comme celles des souverains proprement angkoriens, que brièvement évoquées ici, où l’on s’attachera plutôt à l’évolution de l’architecture (plans, procédés de construction, décors), sans négliger les grands temples «provinciaux», et à celle de la statuaire. D’importantes innovations caractérisent l’art d’Indravarman (H. Parmentier) qui, tout en possédant ses caractères propres, ne doit pas moins être considéré comme l’archétype, en tous domaines, de l’art angkorien. Temple «aux ancêtres», Prah Kô (879) révèle dans ses six sanctuaires une richesse décorative sans précédent (linteaux, fausses portes, enduits stuqués exceptionnels, très ruinés aujourd’hui). Bàkong (881), avec sa pyramide à gradins, est le premier de ces temples-montagnes si caractéristiques de l’art angkorien. La statuaire, authentique ronde-bosse libérée de ses derniers étais, se signale par les premiers groupes et les premières grandes figures en mouvement (Bàkong: えiva encadré d’Um et de Ga face="EU Updot" 臘g , Garu ボa «arrêtant» les N ga des chaussées).Si Ya ごovarman Ier (889-env. 910) respecte le même idéal en édifiant Lolei (893), il accomplit une véritable révolution artistique en fondant Ya ごodharapura, la première Angkor, vers 900: symbolisme riche et complexe du Phnom Bàkheng (J. Filliozat), premiers sanctuaires construits en grès (Ph. Bàkheng, Ph. Bok, Ph. Krom); nouvelle esthétique de la statuaire, froide, hiératique, à l’anatomie conventionnelle (ainsi à Ph. Bok: têtes, Musée national des Arts asiatiques-Guimet) et vêtements aux drapés stylisés, régulièrement plissés verticalement (utilisés dans la statuaire jusque vers 1180).En 921, Jayavarman IV fonde à Koh Ker le Prasat Thom et s’inspire de traditions architecturales de l’Inde dravidienne: sanctuaires de dimensions modestes précédés de gopura , porte monumentale d’une ville ou d’un temple, et d’édifices annexes croissant progressivement vers l’extérieur. Le même gigantisme caractérisera le Prang, pyramide avec sanctuaire unique (inachevés), édifié à la suite de Prasat Thom sans doute, après que Koh Ker eut été élevé au rang de capitale (927). Jusqu’à la «restauration» d’Angkor, le site s’enrichira de nombreux monuments, souvent fort vastes, et d’une statuaire, parfois colossale, d’une exceptionnelle diversité (thèmes iconographiques, groupes statiques ou dynamiques: à Prasat Thom en particulier) qui, quoique parfois victime de l’audace technique des sculpteurs, est peut-être la plus originale de tout l’art khmer.En regagnant Angkor, R jendravarman (944-968) affirme par son programme architectural la continuité angkorienne et la validité de son pouvoir. Seul souverain ayant édifié deux temples-montagnes, probable fondateur du Palais royal, son œuvre, sculpture comprise, n’en paraît pas moins peu novatrice, encore que Pré Rup (961) soit remarquable par sa sobriété et l’harmonie de ses proportions et qu’on puisse noter la renaissance, discrète, du bouddhisme (Bat Chum, 961). Tout différent est l’art de Banteay Srei (967), fondation d’un haut dignitaire. Répétant à échelle plus modeste les dispositions essentielles de Prasat Thom de Koh Ker, il témoigne du progrès décisif de la construction en grès, et ses reliefs, d’une discrète sensualité, rompent avec les traditions antérieures, annonçant les tendances qui prévaudront dans la statuaire durant plus d’un siècle. L’art de Jayavarman V (968-1001) ne bénéficie guère de la leçon qu’en matière de construction (enceinte et pavillons d’accès du Palais royal, Prasat Khleang nord et sud). Il en va de même pour Prasat Tà Kèv, œuvre inachevée de Jayav 稜ravarman (1002-apr. 1006), premier temple-montagne doté d’une galerie pourtournante au premier étage (couverte de tuiles ou de briques?) et entièrement construit en grès. Les galeries couvertes d’une voûte de pierre (Prah Vihear, Phimeanakas) et les grands ma ユボapa à triple nef et piliers intérieurs sont des créations du règne de S ryavarman Ier (1002-env 1050). On lui doit aussi de remarquables compositions axées (surtout Prah Vihear, surplombant la plaine cambodgienne). La statuaire contemporaine (style de Bàphuon) impose l’esthétique et les ajustements conservés durant tout le XIe siècle. Avec trois galeries pourtournantes, le Bàphuon, fondé par Uday dityavarman II (1050-1066), marquerait un nouveau progrès du temple-montagne si la hardiesse de sa construction n’avait causé sa ruine par éboulements. Des scènes en bas relief, disposées en registres, l’ornaient, formule rare attestée aussi dans le Nord-Est (Prasat Khnà Sèn Kèv, contemporain). Avec Angkor Vat, fondation (vishnouïte) de S ryavarman II (1113-env. 1150), l’art khmer «classique» atteint son apogée. Plus ou moins contemporaines, d’autres réalisations retiennent l’attention: adjonctions dans Wat Phu et Prah Vihear, construction de Banteay Samrè et de Beng Mealea (40 km à l’est d’Angkor), ensemble bouddhique presque aussi vaste qu’Angkor Vat (très ruiné). La statuaire, hiératique, évoquant un peu l’art du Bàkheng, est loin d’avoir la même qualité que les temples et leur décor (grands bas-reliefs de la galerie du premier étage d’Angkor Vat surtout).À la suite de la prise d’Angkor par les Chams (1177), Jayavarman VII recrée la puissance angkorienne en la fondant sur le bouddhisme (Mah y na) dont la cosmologie inspire le symbolisme et les dispositions des grandes fondations (Angkor Thom, Prah Khan, etc.). L’architecture (plans et élévations des temples, procédés de construction) et la sculpture (iconographie, esthétique, ajustements) du style du Bàyon rompent avec quatre siècles d’évolution stylistique et marquent, en fait, la fin, surprenante et grandiose, de l’art angkorien. Bien avant que les rois khmers ne quittent Angkor, peut-être dès 1371-1373 (O. W. Wolters) ou, au plus tard, en 1431, la construction traditionnelle est presque abandonnée, en partie par suite de l’adoption du bouddhisme Therav da et de son architecture.La période post-angkorienne (XVe s.-fin du XIXe s.)L’art d’Ayuthya ne s’imposant que lentement, les traditions khmères survivent en partie (bois sculptés surtout) du fait de la transformation d’Angkor Vat en métropole bouddhique et du retour éphémère des rois khmers dans Angkor à la fin du XVIe siècle. Ce n’est qu’à partir du XVIIe siècle que les influences «siamoises», voire laotiennes, deviendront de plus en plus sensibles.
Encyclopédie Universelle. 2012.